Argumentaire du colloque Cinq ans après l’inclusion d’une dynamique Swafs (Science with and for society) dans le programme Horizon 2020 porté par la Commission européenne ; deux ans après le lancement du programme “Science avec et pour la société” de l’Agence nationale de la recherche en France en 2021, conformément à la Loi pluriannuelle de programmation de la recherche, ce colloque porté par l’université de Caen Normandie propose de réunir praticiens et praticiennes, chercheurs et chercheuses afin de poursuivre le travail d’analyse et de définition des champs liés aux recherches et sciences participatives au regard de cette nouvelle étape dans le processus d’institutionnalisation. On pourrait, pour commencer, s’interroger sur le sens de l’expression “science avec et pour la société”, qui vient s’ajouter à “science et société” et “science en société”. Du point de vue des études des sciences et des techniques, elle peut sembler relever du pléonasme. Donna Haraway ne montre-t-elle pas que la production de connaissances scientifiques se fait toujours, d’une certaine manière, “pour et avec la société” ou, plus exactement, “pour et avec une certaine idée de la société” ? Aussi la question est-elle moins de savoir en quoi les recherches et les sciences participatives permettent de faire des sciences pour et avec la société, mais comment elles permettent de le faire autrement. Les réponses à cette question varient bien entendu en fonction du sens que l’on met derrière les mots de science et de société. On peut d’ailleurs faire l’hypothèse que les controverses qui animent le champ des recherches participatives – une autre notion à interroger – tiennent en partie aux conceptions épistémologiques et politiques qui sous-tendent les formes et dispositifs de participation. Par exemple, le chercheur canadien Budd Hall voit dans la “recherche-action participative”, un concept dont il revendique la paternité, une façon de concrétiser une épistémologie radicale reposant sur la reconnaissance du pluralisme des savoirs et affirmant une visée politique, celle de lutter contre les oppressions (voir Godrie, Juan, Carrel, 2022). Dans le cas des “sciences participatives”, il s’agit moins de critiquer le raisonnement scientifique que de renforcer son hégémonie en renforçant la “culture scientifique” du public. Si les savoirs locaux, d’usage, expérientiels, autochtones peuvent avoir droit de cité dans les sciences participatives, c’est à condition qu’ils puissent être intégrés au corpus des connaissances scientifiques. Enjeux A l’heure où les frontières entre les différentes pratiques et réseaux d’acteurs et actrices impliqué·es dans des démarches de recherche participative sont redéfinies par une institutionnalisation à l'œuvre qu’il s’agit aussi de caractériser plus précisément, ce colloque propose un lieu de rassemblement et de discussions issues de différentes disciplines et points de vue sur les recherches participatives, afin d'avancer un travail d’analyse et de définitions partagées des recherches et sciences participatives, de leurs pratiques, objectifs et résultats. Les recherches participatives, dans des formes et dispositifs très variés, se développent depuis près d’un siècle (Anadon et al., 2007). Des états de l’art existent mais concernent pour leur grande majorité des domaines d’application spécifiques (domaine de la santé ; sciences de l’éducation ; recherche et développement agricole ; champ des politiques sociales, de la ville, de l’environnement ; secteur de l’aide au développement…). D’autres plus transversaux éclairent des dispositifs particuliers (par exemple Godrie et al., 2022 ; Luneau et al., 2021). Souvent, ces états de l’art sont portés par des champs disciplinaires distincts, qui ne croisent pas nécessairement leurs résultats (par exemple Juan, 2021 ; Pascual Espuny et al., 2021). Il existe aussi une large littérature institutionnelle produite par une diversité d’acteurs et actrices (livre blanc, rapports ministériels, associatifs ou pour des organismes de recherche) proposant des synthèses de pratiques et des orientations spécifiques. Mais les meta-analyses sont encore rares et la montée en généralité des résultats manque parfois sur les effets de transformation réelle de ces dispositifs sur les relations science-société, les modalités de production des connaissances et la nature de ces connaissances, la démocratisation des débats et des processus d’innovation ou le changement social. Lorsqu’elles existent, les évaluations ne distinguent pas toujours nettement les différents niveaux de bénéfice : contribution au lien social et à la vie démocratique, éclairage des politiques publiques, production de connaissances pour la recherche. Axes Afin d’éclaircir le(s) sens des “sciences avec et pour la société”, nous proposons de réunir les acteurs et actrices du champ (chercheurs et chercheuses, praticiens et praticiennes, représentants et représentantes institutionnel·les, etc.) le temps d’un colloque structuré autour des trois axes de réflexions suivants : 1. Recherches participatives et enjeux de production des connaissances. |
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